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dimanche 20 septembre 2009

Quand Carrouf et sa bande de gais lurons partent à la pêche…

Durant la période du Ramadan, les distributeurs se sont organisaient pour ne pas passer à côté d’un des évènements désormais commercial de l’année.
Les musulmans aussi ont leur Noël (sic)… Et en plus il dure un mois !!

Je vous propose donc une réflexion en deux temps :
· Comment vous attirer sur le point de vente (hameçonnage) ?
· Comment vous faire consommer sur le point de vente (théâtralisation du point de vente)?

Ne dit-on pas qu’un homme averti en vaut deux ?

Le hameçonnage :

La première question du distributeur pourrait être : comment, en cette période (faste) de Ramadan, faire venir les consommateurs musulmans sur mon point de vente ?
En d’autres mots, comment faire accepter à ce consommateur de prendre voiture, femme et enfants, direction le « pays où la vie est moins chère » ?
Ceux qui pêchent de temps en temps comprennent surement le sens de hameçonnage. Le principe est simple : en plaçant un appât, on attire les poissons. Plus l’appât est gros...

Les distributeurs[1] l’ont compris et l’appliquent à la lettre. Comment ? Explication par l’exemple. Vous remarquerez dans les catalogues distribués généreusement dans vos boîtes aux lettres qu’à la quatrième de couverture, on place un « must have » à un prix imbattable. Le « must have » c’est l’ordinateur portable dernier cri à seulement 299 euros, l’écran plat 107cm du voisin à 399 euros. Pour le Ramadan, on bouleverse les codes et on propose… La couscoussière 14L spéciale Ramadan à seulement… 13,50 euros ! Pour accentuer l’effet de ces offres, on signifie une date butoir ou un stock limité. Au cas où vous hésiteriez encore…Reprenons notre mise en situation.


On est samedi après midi, les enfants jouent à se mettre des coups de pieds retournés sur le lit conjugal, madame lit consciencieusement les publicités gracieusement distribuées par le facteur tandis que vous hésitez entre un programme intellectuel de haut niveau sur TF1 et un fantastique reportage animalier sur la 5. Alors que votre menton s’apprête à toucher votre poitrine tellement votre choix de programme s’avère dynamique, votre femme vous crie depuis la table de la cuisine : « chéri !! Faut aller faire des courses !! ».
Qu’a-t-il bien pu se passer entre le moment où Brenda allait avouer son amour pour son neveu mais non moins amant Jason et la lubie de votre douce? Votre femme vient juste de voir l’offre en quatrième de couverture. En y réfléchissant de plus près, le Ramadan approche et les placards ne vont pas tarder à sonner creux. En un quart de seconde, la décision est prise, le ravitaillement s’impose (la réciproque est vraie, les hommes aussi peuvent se faire avoir).
Blague à part, le produit placé en fin de catalogue est un stimulus censé provoquer un désir d’achat. Le produit est généralement à forte valeur ajoutée et constitue un équipement à la mode, quasi nécessaire. Le processus cognitif - stimuli/réponse – met en regard la nécessité d’acquérir le produit pour satisfaire un besoin présent ou latent et l’effort d’information, financier, physique etc… qu’il nécessite pour l’obtenir. La variable prix est alors déterminante dans la prise de décision. La date butoir ou la limite de stock est là pour renforcer le sentiment de la « bonne affaire ».
Bien entendu, cette description est très schématique, mais n’est pas si éloignée de la réalité. Cette technique de hameçonnage est stratégique pour les distributeurs car ils savent qu’un client sur le point de vente ressort nécessairement avec quelque chose dans les mains. En effet, tout est mis en œuvre pour vous faire consommer. Comment ?

Remettons nous dans le contexte. Vous venez de passer 1 heure dans les embouteillages pour atteindre la zone commerciale. Il y a du monde et les enfants trépignent. Vous arrivez enfin dans le magasin. Lorsque vous atteignez l’eldorado - le rayon où l’offre qui paraissait si alléchante sur du papier glacé en quadrichromie s’avère beaucoup moins glamour en vraie -deux situations se présentent à vous :


· Le produit ne vous convient pas (made in China, très peu pour vous) ;
· Il vous convient mais d’autres étaient plus réactifs que vous et vous vous êtes littéralement fait souffler la bonne affaire sous le nez (quel dommage !).

En revanche, pour le distributeur le plus dur est fait. Vous êtes sur le point de vente avec votre famille, bien décidé à consommer. Justement, vous voulez commencer à préparer le Ramadan. Mais cette enseigne est chère. Vous préfèreriez aller dans votre magasin de proximité habituel, moins coûteux.
Réflexion : reprendre la voiture, braver les embouteillages le couteau entre les dents, contenir les enfants qui s’énervent, sans compter l’effort consenti jusqu’ici pour rien…
Las, vous levez la tête au ciel en soufflant tout l’air qui envahissait vos poumons. A ce moment précis, que voyez-vous ? Un magnifique stop rayon[2] intitulé « Découvrez les Saveurs de l’Orient » ! Agrémenté d’un beau tajine, d’un peu de calligraphie arabe… On ne lésine pas chez Carrouf (sic). La solution est toute trouvée…
Dans l’ombre, le distributeur se frotte les mains : la deuxième phase du plan « hameçonnage du consommateur musulman » est verrouillé.
Pas besoin de force de vente dans les rayons, c’est le packaging qui va tout faire. En marketing, on l’appelle le « vendeur silencieux » car il doit « crier en magasin et se taire au domicile».

Théâtralisation du point de vente:

Le marketing sensoriel est issu d’un nouveau paradigme marketing, les scientifiques de cette discipline étant passés précédemment par le paradigme du marketing relationnel. Les années 70 marquent un tournant dans la logique de consommation. Depuis, la variable utilitariste du produit est entendue, c’est sa capacité à générer du sens, une symbolique qui est recherché. On parle alors d’hédonisme. Le consommateur est donc perçu comme « émotionnel à la recherche d’expériences sensibles » (Maffesoli, 1990). La consommation n’est plus seulement la satisfaction d’un besoin matériel, elle permet également de provoquer des sensations et des émotions qui participent à la construction de l’individu. Triste ou pas, ce n’est plus le travail qui permet en premier lieu de se réaliser, mais la consommation. Mais ceci est un autre débat. Vos sens sont donc sollicités. Une petite odeur de safran, une lumière tamisée, la possibilité des toucher les produits, une musique orientale… Tout y est, on s’y croirait. Car l’objectif pour vous faire consommer est de vous faire vivre une réelle expérience de consommation. Sait-on jamais, peut être irez-vous voir vos voisins en leur racontant, les yeux encore pétillants, que vous vous seriez crus au bled ? Le bouche à oreille, c’est l’arme fatal (et à double tranchant) des marques…
Les produits les plus chers sont placés à portée de main (remarquez comme il faut se briser l’échine pour attraper les produits Top One ou estampillé d’un beau pouce !), les facing sont achalandés en quantité (car la quantité fait vendre) et les têtes de gondoles vous proposent des offres qui déclenchent chez vous un comportement de « réserve ». Les produits en promotion se conservent souvent longtemps après la date d’achat. Pour éliminer les éventuelles habitudes de clients fidèles qui connaissent le chemin le plus court pour atteindre leurs produits, les rayons sont modifiés. N’oublions pas les enfants, qui grâce à leur mini caddies généreusement mis à leur disposition, peuvent imiter les parents en chargeant le chariot de tout ce qui est mis spécifiquement à leur hauteur (les chayatins Haribo, La pie qui chante et autres Pez…).

Vous déambulez donc au rythme de la musique dans les rayons achalandés à votre attention. L’assortiment est bien étudié et chaque besoin trouve une réponse dans les rayons (idéalement). Rassuré, le chariot plein, vous vous dirigez servilement vers les caisses déjà bondées de monde. Je vous laisse imaginer le montant de la note… Salé ? Sucré ?

En attendant, le distributeur a réussi son coup. Vous êtes venus sur son point de vente alors que rien ne vous prédisposez à le faire. Vous étiez venus pour un but précis et finalement vous avez fait le choix de vous attarder, par curiosité (paraît-il). La curiosité s’est transformée en intérêt et l’intérêt en acte d’achat. Et le plus beau dans tout ça, c’est qu’à aucun moment vous ne vous êtes senti obligé ni agressé, les choses se sont déroulées en douceur. Comme quoi la méthode est bien huilée… A bon entendeur.










[1] On entend par distributeurs les enseignes de distributions telles Carrefour, Leclerc, Auchan etc…
[2] Stop rayon= Publicité sur le Lieu de Vente (PLV), panneau publicitaire qui indique les rayons sur le point de vente.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah je reconnais bien là mon Mat Abdrahman de cousin : une recette bien huilée elle aussi et qui fait son effet quand on vous la sert bien chaude. Quelques grammes d'incisivité, un soupçon de sarcasme, une quantité non négligeable de pertinence (impertinence?), une bonne cuillerée de rhétorique, le tout saupoudré d'une pincée d'humour fraîchement cueilli... Un vrai régal ! Heureux que tu es trouvé un moyen d'expression aussi noble que l'écriture dont tu uses à merveille. Je suis ton fidèle lecteur ! Restons vigilants, veillons à la vitalité des contre-pouvoirs et... de la légereté. Schklaken Daschen

dazahid a dit…

Assalâmu 'alaykum


Très bien écrit mâ châ-a-Llâh, ça m'a fait sourire du début à la fin :)
J'espère quand même que les familles muslims de France ont un programme de samedi autrement plus alléchant et stimulant (intellectuellement notamment) que celui qui est décrit dans votre article :D

AbdRahman a dit…

Big up mon cousinass !!!

Dazahid, j'espère aussi que les musulmans ont d'autres occupations. Mais force est de constater que beaucoup d'entre nous n'échappent pas aux logiques de la consommation. Le ton certes un peu sarcastique de l'article n'en est pas moins informatif et j'espère que chacun pourra prendre du recul sur ses comportements d'achat inch'Allah.

Salam!!